Emmanuel Le page

PHOTO CLAUDE PRIGENT / LE TELEGRAMME

 

 

Voyageur, bourlingueur, un peu moins maintenant qu’il est père, Emmanuel Lepage voyage parce que c’est un homme curieux.Curieux des autres, curieux de l’autre. Ce qui l’intéresse d’abord, ce sont les gens, les personnes, la vie.

Étrange paradoxe : sa notoriété de dessinateur repose, en grande partie, sur ces grands paysages, sublimes et lyriques, qui caractérisent ses plus grands succès : La terre sans mal, Muchacho.

Son regard, cependant, se porte ailleurs, sous la peau de ses personnages, vie intérieure qu’il fouille avec l’acuité, la sensibilité et le talent d’un dessinateur généreux, perpétuellement en recherche de sa vérité graphique. Oh, les filles ! en est le fruit le plus récent : son dessin, vibrant à l’unisson du cœur battant de Chloé, Leila et Agnès, est, sans aucun doute, l’un des plus justes de la bande dessinée actuelle.

À six ans, il découvre Tintin au pays des Soviets. C’est dit : il sera auteur de bandes dessinées. Plus tard, à treize ans, il trouvera un maître en la personne de Jean-Claude Fournier, scénariste et dessinateur de « Spirou et Fantasio ». À quinze ans, il publie son premier dessin dans Ouest France. Plus tard, une autre rencontre capitale, celle de Pierre Joubert, le dirigera vers le dessin dit « réaliste »…

…” Pour moi, le dessin « réaliste », c’est à la fois une éthique, une discipline, une présence de tous les instants, un regard qui s’aiguise. Le dessin « réaliste », c’est peut-être aussi une certaine forme d’abnégation, ça ne se voit pas forcément. Dans le dessin « réaliste », on peut avoir la tentation de jouer la surexpressivité, d’être dans la surenchère, de montrer ce qu’on sait faire. Or, pour être juste, il faut toujours s’arrêter à temps. La facilité dans le dessin, c’est l’effet, la virtuosité. Au fond, est dessinateur « réaliste » celui qui réussit à saisir la vie. Je tends vers cela. “…

©  Futuropolis

Photo festival © Elodie Huet